La connaissance est une navigation dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitudes.  Edgar Morin

De nombreux auteurs (Morin, Damasio, Deleuze, Winnicott, Latour, Cyrulnik, Caillé…) ont soulignés l’importance des récits en ce qu’ils sous-tendent nos organisations sociales, familiales et personnelles, mais aussi nos théories scientifiques et économiques. La connaissance se raconte.

En devenant coopérateurs à Naturia, nous voulons re-connaître le monde qui nous entoure, créer de l’entourage, de l’”encourage” pour échapper à ce qui nous détermine, en particulier au niveau socio-économique et gestionnaire, au niveau politique également.

L’arrivée de la COVID-19 a bouleversé l’ordre de ces récits qui sous-tendent notre organisation sociale et économique, quand elle n’a pas touché la structure même de ceux-ci. Le récit économique si incontournable jusqu’ici, promouvant marchandisation et spéculation, se voit interpellé par d’autres récits qui soutiennent d’autres rapports. Des trous dans le savoir apparaissent, des incertitudes insécurisantes nous arrivent. Il nous faut réapprendre à naviguer, trouver de nouveaux repères.

Pas nécessairement nouveaux, ces récits se révèlent aujourd’hui inspirant et structurant pour penser et vivre ce qui a donné lieu au confinement et aux mesures annexes. Karl Polanyi (1886-1964), par exemple, a proposé il y plusieurs années déjà le concept de «marchandises fictives» pour désigner des objets économiques qui, à aucun moment,n’ont été conçus, produits et pensés comme des marchandises et qui, pourtant, le sont devenus grâce au récit capitaliste[1].

Ces nouveaux récits questionnent notre rapport à la terre et au territoire, la place des inégalités, les modalités d’échanges économiques, la signification des genres et des identités…

Naturia, depuis son site particulier, souhaite donner lieu à la construction de récits et d’imaginaires qui puissent inspirer la mise en oeuvre de nouvelles structures sociales et économiques. Nous sommes autour de deux étangs, sur une colline, en bordure de pré et de forêt, au bout d’un village. Nous sommes ancré dans une principauté dans laquelle s’élève également une abbaye cistercienne. Nous ne manquons donc pas de sources d’inspiration tant terrestres que spirituelles pour créer de nouvelles fictions qui nous engagent autrement dans le monde.

C’est pour cette raison que nous avons décidé de nous organiser en coopérative en structurant nos liens de coopérateurs autour de pratiques sociocratiques. C’est pour cela également que nous voulons penser le site en appui sur des concepts de permaculture, que nous souhaitons également développer des relations socioéconomiques avec la région qui nous entoure en nous inspirant de l’économie sociale et solidaire et de l’économie de la contribution.

Ces mises en pratiques de pensées en développement nous amènent à vivre et à penser autrement, à élaborer de nouveaux récits. Nous espérons qu’ils inspireront les personnes qui passeront du temps sur le site. Nous espérons également que les passants, de plus ou moins longue durée, contribueront à enrichir ces récits, en nous racontant des bouts de leur histoire, en partageant des découvertes faite lors de leur séjour, en apportant des éléments qui décalent et relancent.

Le cercle « Accueil et départ » travaille au recueil de toutes traces qui permettent la structuration de récits, la narration d’histoires structurantes, de lectures du monde et des relations qui ouvre la pensée de l’espace et du temps. Dessins, objets, textes, traces laissées sur le site seront rassemblées pour inviter à y associer idées, paroles… qui donneront lieu à de nouveaux dessins, dépôts d’objets…

Nous voulons faire de Naturia un lieu d’intentions où d’autres récits puissent se vivre, s’écrire, se découvrir.

De manière générale, nous proposons aux futurs coopérateurs d’écrire un texte qui anticipe ce qu’ils imaginent pour l’éco-camp, qui pourra rejoindre l’écriture d’une sociotopie inspirante. Cette sociotopie alimentera, au-delà de nos nécessaires différences, un fond commun de rêveries du futur.

Pour les locataires nous leur demandons de pouvoir raconter ou écrire comment ils ont envie d’habiter, d’habiller le lieu pendant leurs locations ceci lors d’une rencontre avec les membres du cercle “Accueil et départ”.

Pour les ‘nomades’, nous leur proposons un petit texte qui leur sera envoyé avant l’arrivée et qui  explique ce que nous tentons de faire. Nous leur proposons  dans ce sens d’amener un objet, un texte, une chanson…. qui pourrait dire quelque chose de l’intention qui les amène à Robechies.

Nous espérons également offrir en guise d’accueil des récits qui décalent, mettent en mouvement et permettent d’envisager le monde autrement. Nos sources d’inspiration seront les contes de la région, les mots des anciens, les émotions des plantes, les histoires cisterciennes…

Et quand ils s’en vont, peut-être auront-ils quelque chose à raconter sur un des deux étangs, sur la colline et les plantes qui s’y trouvent, sur les pré ou la forêt, sur le village, la principauté ou l’abbaye cistercienne.

Le cercle “Accueil et départ” récolte les différents récits et intentions et pourra imaginer d’en faire un moment d’échange commun, d’expo, …

[1] https://saw-b.be/wp-content/uploads/sites/39/2020/09/A2001-Interview-Eynaud.pdf